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Photo du rédacteurChristophe Cappelli

Ça vaut la peine d'être né juste pour écouter passer le vent


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Il suffit d'exister pour être complet.

J'ai écrit suffisamment de poèmes. J'en écrirai beaucoup plus, bien entendu. Chacun de mes poèmes dit cela, Et tous mes poèmes sont différents. Chaque chose qui existe est une façon de le dire.

Parfois je me prends à regarder une pierre. Je ne pense pas qu'elle puisse ressentir quelque chose. Mais je ne me hasarde pas de l'appeler ma sœur. Je l'aime parce qu'elle est une pierre, Je l'aime parce qu'elle ne ressent rien, Je l'aime parce qu'elle n'a aucune parenté avec moi.

D'autres fois, j'écoute le vent passer,Je ne sais pas ce que les autres penseront en lisant cela ; Mais je trouve ça bien parce que ça me vient sans effort, Sans avoir l'idée que d'autres personnes m'entendent penser. Parce que je le pense sans pensées, Parce que je le dis comme le disent mes mots.

On m'a traité une fois de poète matérialiste, Et ça m'a étonné parce que je ne pensais pas Qu'on puisse me traiter de quoi que ce soit. Je ne suis même pas poète : je vois.

Si ce que j’écris a de la valeur ce n’est pas moi qui en ai : La valeur est là, dans mes vers. Tout cela est absolument indépendant de ma volonté.

7 novembre 1915

(Poèmes jamais assemblés d’Alberto Caeiro, traductions du portugais de Jean-Louis Giovannoni, Isabelle Hourcade, Rémy Hourcade & Fabienne Vallin, éditions Unes, 2019)

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